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L’évaluation de la pertinence : une étape clé dans la genèse d’une émotion et de la tendance à l’action

L’évaluation de la pertinence : une étape clé dans la genèse d’une émotion et de la tendance à l’action

Lundi, Mai 29, 2023

L’émotion suscitée par la perception d’un produit est un facteur clé de la motivation, de la tendance à l’action et de la décision de consommation ou d’achat de ce produit. Comprendre les mécanismes à la base de la genèse de cette émotion représente donc un enjeu majeur pour les sciences du consommateur et les Marques. Hippolyte Fournier et Olivier Koenig ont récemment publié un article dans la revue Emotion dans lequel ils ont montré comment différents facteurs interagissent dans la genèse d’une émotion et de la tendance à l’action.

Les travaux d’Hippolyte Fournier et d’Olivier Koenig se situent dans une perspective théorique selon laquelle un épisode émotionnel est le fruit d’une évaluation cognitive d’un objet ou d’une situation par un individu, en fonction de ses propres buts, besoins et autres facteurs personnels.

Cette évaluation cognitive, qui est en partie non consciente, comporte plusieurs étapes qui influencent à la fois l’état du corps et différents systèmes cognitifs tels que l’attention, la mémoire, le raisonnement et la prise de décision. Elle influence également la motivation et la tendance à l’action. 

L’évaluation de la pertinence (relevance) fait partie de ces étapes. Elle vise à alerter l’individu de la présence d'événements qui pourraient nécessiter une action susceptible d'affecter son bien-être (p.ex., éviter un objet potentiellement dangereux ou s’approcher d’un objet susceptible de répondre à un besoin).  L’évaluation de la pertinence est une étape clé dans la genèse d’un épisode émotionnel. Cette évaluation a comme principale conséquence, sur le plan cognitif, de permettre à l’individu d’orienter son attention là où un objet « pertinent » est apparu dans son environnement. 

Il existe différents types de pertinences. On parlera de pertinence intrinsèque à l’objet dans le cas où seules les caractéristiques de l’objet véhiculent cette pertinence. C’est le cas, p.ex., d’un animal réputé dangereux comme un serpent (il s’agira dans ce cas de pertinence intrinsèque phylogénétique). C’est le cas, également, d’une arme (il s’agira dans ce cas d’une pertinence intrinsèque ontogénétique ou acquise, car le fait que cet objet soit dangereux résulte d’un apprentissage). Mais on parlera également de pertinence aux buts et besoins, dans la mesure où un objet (p.ex., une truffe au chocolat) est pertinent lorsqu’on a faim, mais pas lorsqu’on sort d’un copieux repas. 

Si différents travaux ont montré les effets de ces différents types de pertinences sur l’attention et la genèse d’un épisode émotionnel de façon isolée, la manière selon laquelle ces pertinences interagissent demeurait jusqu’ici inconnue. Hippolyte Fournier et Olivier Koenig ont donc voulu comprendre comment la pertinence intrinsèque et la pertinence aux buts et besoins se combinent pour produire un biais attentionnel et déclencher un épisode émotionnel.

Pour ce faire, les participants de leur étude ont évalué les niveaux de pertinence intrinsèque, de pertinence aux buts et besoins, et de tendance à l'action associés à quatre stimuli. Deux étaient liés à la faim (une barre chocolatée Mars et un sachet de pain Harrys et deux autres étaient liés à la soif (une bouteille d’eau minérale Vittel et une bouteille de Coca-Cola). 

Ces stimuli ont été mis en compétition dans une tâche dite de « dot-probe ». Il s’agit d’une tâche dans laquelle deux stimuli apparaissent simultanément et très brièvement sur l’écran d’un ordinateur, l’un à gauche d’une croix de fixation centrale, l’autre à droite. Juste après la disparition des deux stimuli, un point apparaît à l’emplacement de l’un d’entre eux. Le participant à cette tâche doit indiquer le plus rapidement possible en activant une touche de réponse si le point est apparu à gauche ou à droite de l’écran. Cette tâche très simple permet de déterminer lequel des deux stimuli en compétition a le plus capté l’attention. En effet, si l’attention a été captée davantage par le stimulus de gauche, le participant aura orienté son attention vers la gauche et sa réponse sera plus rapide pour détecter la présence du point à gauche qu’à droite. 

En utilisant cette tâche, les auteurs ont pu montrer que les évaluations de la pertinence intrinsèque et de la pertinence aux buts et besoins avaient des effets multiplicatifs sur l'attention. De plus, la tendance à l'action rapportée par les participants était mieux prédite lorsque la pertinence intrinsèque et la pertinence aux buts et besoins étaient prises en compte conjointement. 

Ces résultats montrent l'importance de prendre en compte à la fois la pertinence intrinsèque et la pertinence aux buts et besoins dans la recherche sur l’attention émotionnelle et, plus généralement, dans la recherche sur la tendance à l’action lors d’un épisode émotionnel. Ces résultats, bien qu’issus de la recherche fondamentale, représentent un intérêt majeur pour les sciences du consommateur et les marques. La relation multiplicative qui lie la pertinence intrinsèque et la pertinence aux buts et besoins suggère que la tendance à l’action sera exacerbée lorsqu’un produit sera évalué par le consommateur comme à la fois intrinsèquement pertinent et pertinent par rapport à ses buts et besoins.

Pour accéder à l’article complet : 

Fournier, H., & Koenig, O. (2023). Combined effects of intrinsic and goal relevances on attention and action tendency during the emotional episode.Emotion, 23(2), 425–436. https://doi.org/10.1037/emo0001081

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