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Les 3E de l’Émotion dans la publicité et l’évaluation sensorielle

Les 3E de l’Émotion dans la publicité et l’évaluation sensorielle

Lundi, Septembre 18, 2023

Dans le but de mieux comprendre la complexité des mécanismes émotionnels, il est courant de les fractionner en trois processus, pourtant interdépendants, qui sont l’Évaluation, l’Expérience et l’Expression. Cet article a pour objectif de discuter du jeu respectif de ces trois processus dans la publicité et l’évaluation sensorielle.

L’Évaluation

Nous pouvons dire que le tableau nous paraît magnifique, que la maison hantée du parc d’attraction fait peur, que les crottes de chien sur notre parcours de jogging sont dégoûtantes sans pour autant « ressentir » réellement les émotions qui pourraient être générées dans chacun de ces cas. La vue d’un objet active automatiquement ses différentes propriétés dans notre cerveau. On ne peut pas ne pas percevoir sa couleur, sa forme, on ne peut pas s’empêcher d’activer des informations en mémoire concernant l’objet, telles que son nom (pour un objet connu), sa fonction et tout un ensemble de propriétés qui lui sont associées. La dimension émotionnelle de cet objet fait partie de ses différentes propriétés activées automatiquement. Cette dimension peut donc être évaluée sans que nous ressentions forcément une émotion. Il s’agit d’une sorte de catégorisation sémantique automatique « froide » nous permettant de situer cet objet parmi ceux qui nous paraissent beaux, effrayants, dégoûtants, sans pour autant ressentir une émotion.

L’Expérience

Si l’évaluation peut se faire de façon « froide », c’est-à-dire sans ressentir d’émotion, elle peut également aboutir à un traitement « chaud » en générant une expérience émotionnelle. La conséquence d’un tel traitement se manifestera par une réaction corporelle multiple qui pourra prendre différentes formes : augmentation du rythme cardiaque et de la fréquence respiratoire, dilatation de la pupille, réponse électrodermale… Ces différentes réponses corporelles, lorsque nous les mettons en lien avec la cause qui en est à l’origine, nous permettent de prendre conscience de notre état émotionnel et de l’interpréter et le labelliser en termes d’émotion de joie, de peur, ou de dégoût, par exemple. Nous avons donc le sentiment subjectif de ressentir de la joie, de la peur ou du dégoût.

L’Expression

Enfin, l’expression émotionnelle peut être considérée comme le reflet de l’Expérience émotionnelle. Son statut de communication sociale est évident, permettant à autrui de décoder ce que nous ressentons. Il s’agit ici encore d’une réponse multiple, dans le sens où elle comprend bien sûr l’expression faciale émotionnelle, mais aussi des modifications de la gestuelle, de la prosodie, ou des modifications corporelles visibles, telles que des changements de couleur de la peau, voire une légère transpiration ou perspiration

Évaluation, Expérience et Expression dans la publicité et l’évaluation sensorielle

Il est incontestable que l’émotion participe à la prise de décision. Dans le cadre d’une publicité, l’émotion ressentie générera une tendance à l’action qui, dans le meilleur des cas, se traduira par le désir de posséder un produit et un acte d’achat. Essayer, tester ou utiliser un produit peut entraîner les mêmes effets. Les modifications corporelles générées pendant cet épisode émotionnel pourront produire un effet à court terme et à plus long terme également sur le désir de possession du produit (voir l’article de KeyEmotion Lab « Un effet immédiat pour un achat futur »). C’est bien ici le fait de ressentir une émotion, soit d’avoir une Expérience émotionnelle, qui influencera la décision.

Mais qu’en est-il de la seule évaluation, dite « froide », sans effet sur le corps? Comme écrit plus haut, il s’agit d’une activité cognitive de catégorisation sémantique au cours de laquelle différentes propriétés de l’objet sont activées, dont les propriétés émotionnelles. Ce traitement cognitif laissera des traces en mémoire qui seront associées au produit et à toutes ses autres caractéristiques dont font partie le nom du produit ou de sa marque. Ces traces pourront être réactivées lors d’une présentation ultérieure du produit (dans une nouvelle publicité, ou sur un lieu de vente), ou même lorsqu’on pensera simplement au produit en son absence. Ces traces participeront donc à la « représentation » que l’on se fait du produit, c’est-à-dire à l’image interne que l’on en construit. Cette image participe également au désir (ou au rejet) que le produit suscitera et donc, potentiellement, influencera l’acte d’achat. Cette image est probablement en partie consciente et en partie non consciente. C’est la raison pour laquelle il est important de l’étudier à la fois de façon explicite, c’est-à-dire déclarative, en questionnant le consommateur, et de façon implicite (au moyen de tests de laboratoire spécifiques). 

Enfin, l’expression émotionnelle intervient à deux niveaux. Le premier correspond à l’émotion qui peut être exprimée dans la publicité elle-même, via l’expression faciale, la gestuelle ou la prosodie. Ses différentes formes peuvent exercer un effet direct sur l’expérience émotionnelle du viewer (voir article de KeyEmotion Lab sur la contagion émotionnelle). L’expression émotionnelle intervient également au niveau de l’interprétation de l’émotion du viewer. Elle pourra en effet être étudiée afin de décrypter l’émotion ressentie par le viewer lors de la vision d’une publicité ou de l’utilisation, le test ou la consommation d’un produit (via le « facial coding », par exemple). 

Pour conclure, la décomposition de l’émotion en 3E est heuristique dans le sens où elle nous aide à mieux comprendre la complexité du fonctionnement émotionnel. L’expérience peut suivre l’évaluation et l’expression permet de communiquer l’expérience à autrui. Mais il ne faut pas considérer l’évaluation, l’expérience et l’expression comme trois processus indépendants. Le passage de l’évaluation à l’expérience ne se fait pas selon la logique du tout ou rien et ne comprend pas d’effet de seuil : entre le traitement « froid » de l’évaluation et la « chaleur » de l’expérience, se trouvent probablement une infinité de nuances de température… En d’autres termes, il est probable qu’une évaluation « totalement froide », sans un soupçon de ressenti, ne soit simplement pas possible.

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