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Liking, Wanting, Learning : à la recherche du plaisir

Liking, Wanting, Learning : à la recherche du plaisir

Lundi, Octobre 16, 2023

Grâce à nos expériences passées, nous avons tendance à désirer (wanting) ce que nous pensons que nous aimerons (liking) et nous justifions notre désir de quelque chose par le fait que nous l’aimons. La réalité est pourtant plus complexe. Les connaissances récentes sur le fonctionnement du cerveau révèlent que le wanting et le liking sont des processus distincts qui ne vont pas forcément de pair. Nous pouvons désirer quelque chose que nous n’aimons pas, voire aimer quelque chose que nous ne désirons pas… Les mécanismes à la base de la recherche du plaisir et guidant ainsi notre comportement sont pluriels, et en partie conscients et non conscients. D’où la nécessité d’études approfondies pour en tirer des conclusions fiables et opérationnelles. Explications.

On confond souvent l’agrément (liking) et le désir (wanting). En effet, lorsque qu’on vous demande pourquoi vous avez envie de chocolat, vous avez tendance à répondre que c’est parce que vous aimez le chocolat. Or il existe des situations dans lesquelles on peut avoir envie de quelque chose qu’on n’aime pas, ou ne pas avoir envie de quelque chose qu’on aime. Par exemple, si vous êtes affamé, vous pouvez avoir envie de manger ce plat d’épinards, alors que vous détestez les épinards. À l’opposé, alors que vous adorez les macarons, vous pourriez ne pas en avoir envie en sortant d’un copieux repas.  

La recherche de plaisir est primordiale dans ces processus. Le liking nous permet de cerner ce qu’on aime car cela représentera la récompense que l’on vise, potentielle source de plaisir. Le wanting correspond à la motivation qui va nous pousser à obtenir cette récompense. La récompense est de tout type : elle peut correspondre à un succès professionnel, amoureux, au regard admiratif des autres, à un gain financier ou un aliment succulent. Enfin, le learning nous permet d’apprendre, tout au long de notre vie, quels sont les signaux annonciateurs d’une récompense et comment procéder pour l’obtenir et donc éprouver un maximum de plaisir. 

Au cours des dernières décennies de nombreux travaux ont été effectués chez l’animal sur les concepts de learning, wanting et liking, dans lesquels la notion de récompense était centrale. Ces travaux ont montré que les processus consistant à désirer une récompense sur le plan motivationnel s’appuyaient sur des mécanismes cérébraux en partie distincts de ceux qui sont en jeu lorsqu’on obtient et apprécie cette récompense. Il est aujourd’hui largement admis que les conclusions de ces travaux sont parfaitement transférables à l’espèce humaine.

Learning

Il y a une quarantaine d’années, W. Schultz, chercheur travaillant chez le singe, a mis en en évidence les prémisses d’un « système de récompense ». Ses travaux ont montré que des neurones dopaminergiques localisés dans l’aire tegmentale ventrale du cerveau contrôlaient un « circuit de la récompense ».  Ses expériences ont montré que ces neurones dopaminergiques s’activaient chaque fois que le singe recevait une goutte de jus de pomme, une boisson qu’il apprécie beaucoup.  En introduisant un signal lumineux qui apparaissait 1 s avant l’arrivée du jus de pomme, les neurones dopaminergiques ont progressivement cessé de s’activer à l’apparition du jus de pomme pour s’activer au moment de l’allumage du signal lumineux. Ce résultat suggère que les neurones dopaminergiques sont au cœur d’un système d’apprentissage permettant d’associer des signaux de l’environnement à des plaisirs attendus. L’apparition de chacun de ces signaux entraîne la libération de dopamine, ce qui génère un comportement adapté à l’obtention de la récompense. Ces expériences, et de nombreuses autres qui ont suivi, suggèrent que tout au long de notre vie, chacun de nous constitue son ensemble de signaux dont la perception lui permet d’anticiper l’arrivée d’une récompense et de s’adapter à son obtention.

Wanting

Une fois que les signaux prédictifs de la récompense sont appris, le désir (wanting) d’obtenir cette récompense est déclenché par la présence du signal. Selon des chercheurs comme Berridge et ses collaborateurs, le wanting correspond donc à la motivation d’obtenir cette récompense. Le wanting est un mécanisme motivationnel non conscient, qualifié par certains auteurs de « saillance incitative ». Il est différent de la prédiction apprise, qui correspond à la prise de conscience de l’arrivée probable de la récompense. Le wanting, qui échappe donc à toute introspection, repose sur l’interaction entre un état actuel d’un organisme (besoin physiologique, ou tout autre besoin, comme celui de plaire ou de gagner de l’argent) et un indice associé à une récompense pertinente permettant de satisfaire ce besoin. Cet indice peut être aussi bien un objet associé à la récompense qu’une image de la récompense elle-même. Le wanting est médié par les systèmes cérébraux dont les fibres dopaminergiques projettent du mésencéphale vers le noyaux accumbens et d’autres cibles du striatum. La force du wanting dépend de la qualité de l’association entre l’indice et la récompense et de l’état (plus ou moins activé) de ces systèmes cérébraux. Des facteurs extérieurs, tels que le stress ou un haut niveau d’éveil émotionnel (arousal) augmentent l’activité dopaminergique et génèrent ainsi des pics de wanting. 

Dans certains cas, le « désir conscient » coïncide avec le wanting. Mais dans d’autres cas, les deux peuvent être dissociés. Le wanting peut alors se manifester en l’absence de désir conscient, ou peut même se situer à l’opposé du désir conscient. Ce phénomène est bien documenté dans le domaine de la toxicomanie où un individu peut ressentir consciemment un fort désir de ne plus consommer de drogue, alors que le wanting le pousse à en consommer en la présence d’indices associés à la drogue ou de la drogue elle-même. Il est même possible que le wanting soit activé en l’absence de perception consciente de ces indices, pourtant présents dans l’environnement (voir la publication « J’évite le serpent puis je le vois, ou je vois le serpent puis je l’évite ? » sur ce même site). Le phénomène de dépendance peut être exacerbé chez des sujets sensibles chez lesquels une sensibilisation neuronale peut provoquer des changements durables dans le système de motivation lié à la dopamine, ce qui résulterait en un wanting excessif. 

Liking

Dans la littérature scientifique, le liking correspond à la mesure de l’appréciation d’un objet au moment même de l’obtention de la récompense. Chez l’animal, il est souvent évalué par la réaction comportementale qui suit immédiatement l’obtention de la récompense. Chez l’Homme, il pourrait être évalué via l’expression faciale ou tout autre mesure implicite de l’appréciation. Il est important de considérer le fait que le liking ne correspond pas au degré d’appréciation conscient d’un produit ou d’un objet en dehors de sa consommation ou son utilisation immédiate. L’évaluation de l’appréciation qui se ferait avant l’étape de consommation ou d’utilisation correspondrait à « l’agrément attendu », terme proposé par la chercheuse E. Pool. L’agrément attendu se construirait à partir du souvenir explicite issu des épisodes où un plaisir a été ressenti lors de la consommation ou de l’utilisation de la récompense. Cet agrément attendu serait donc à la base du désir conscient d’obtenir la récompense, ce qui, comme nous l’avons vu, ne correspond pas au wanting qui représente, lui, une motivation non consciente.

Des processus cérébraux en partie distincts

Si les récompenses sont à la fois "aimées" et "désirées", le liking et le wanting reposent sur des sous-systèmes cérébraux en partie distincts. Le liking, qui représente le plaisir procuré par la récompense qui vient d’être obtenue, repose sur un système neuronal comprenant le noyau accumbens, le pallidum ventral, le cortex orbitofrontal et l'insula. Ce système contient des « points chauds hédoniques » dont la stimulation renforce les réactions de plaisir à des stimuli appétitifs. Les mêmes structures contiennent également des « points froids hédoniques » dont la stimulation réduit l’appétence. Ce système ne dépend pas de la dopamine, contrairement à une conception ancienne et encore bien ancrée. En effet, une altération expérimentale de la neurotransmission de la dopamine n’altère en rien le plaisir de consommer une récompense, alors qu’elle réduit le wanting. Ces points chauds et ces points froids sont situés dans le circuit bien plus large du wanting qui dépend, lui, de la dopamine et dont la stimulation, déclenchée par des indices, génère une saillance incitative intense amplifiant la motivation à rechercher une récompense.

D’une notion simple à une réalité plus complexe

En résumé, notre comportement, dicté par un objectif simple de recherche du plaisir et moteur de nos décisions, dépend de plusieurs facteurs qui interagissent les uns avec les autres : 1) le wanting qui correspond à la motivation non consciente à obtenir une récompense à la vue d’un signal associé à la récompense ou de la récompense elle-même; 2) le de désir conscient correspondant à l’expérience consciente de désirer quelque chose; 3) le liking, qui se décrit par l’expérience hédonique vécue à l’apparition de la récompense; et 4) l’agrément attendu, qui correspond à des connaissances explicites basées sur nos expériences antérieures issues de nos contacts répétés avec la récompense. Comme nous le voyons, certains de ces facteurs sont accessibles à l’introspection, alors que d’autres sont non conscients. Il est donc important de les étudier au moyen de méthodes adéquates, certaines faisant appel à des approches explicites, d’autres à des approches implicites. De plus, certains tests doivent être proposés à des moments spécifiques, par exemple au moment de l’obtention de la récompense ou bien en amont de cet évènement. 

Si vous souhaitez en savoir plus sur ces mécanismes, ou si vous souhaitez une étude scientifique de la capacité d’un produit à générer du plaisir et susciter un comportement d’approche, prédictif d’un acte d’achat, laissez-nous un message via la rubrique "contact"  de notre site web. Nous serons heureux de mettre nos connaissances et compétences scientifiques au profit de votre problématique. 

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